La direction générale de Stellantis change rarement de mains, mais chaque transition s’accompagne d’attentes stratégiques élevées. L’arrivée d’Antonio Filosa marque un tournant alors que Carlos Tavares laisse derrière lui un bilan marqué par des fusions ambitieuses et une rentabilité record.
Le contexte impose une adaptation rapide face à la concurrence et à l’évolution réglementaire mondiale. Les prochains mois s’annoncent décisifs pour un groupe qui pèse lourd dans l’industrie automobile.
Qui est Antonio Filosa ? Portrait d’un dirigeant discret mais ambitieux
Antonio Filosa n’a jamais cherché la lumière, mais ceux qui le croisent dans les arcanes de Stellantis savent reconnaître un meneur déterminé. Ce Napolitain formé à l’ingénierie a forgé sa trajectoire entre Fiat et Jeep, sans tapage, mais avec une efficacité qui force l’attention. Né en 1973, l’Italien n’a pas bâti sa réputation sur des effets d’annonce : c’est dans la transformation concrète des marques et la gestion méticuleuse des équipes qu’il s’est imposé.
Chez Fiat, il a d’abord appris les rouages d’un univers où la technique n’a de poids qu’associée à la capacité d’unir des profils venus d’horizons multiples. Sa percée sud-américaine, à la barre de Jeep, a marqué un point d’inflexion. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’emblème américain s’est imposé dans un marché féroce, là où peu misaient sur une telle percée.
Filosa brille par sa faculté à rassembler au-delà des frontières. Pendant la fusion PSA-Fiat Chrysler, il a su naviguer entre des cultures d’entreprise parfois antagonistes, tout en imposant des choix décisifs pour remettre à flot des usines ou repositionner des marques. Pas de grandes déclarations, mais des mesures nettes, parfois radicales, toujours assumées.
Avec près de 300 000 collaborateurs sous sa responsabilité, le nouveau patron de Stellantis affiche une gouvernance qui privilégie l’action à la promesse. Aucun superflu, mais une focalisation sur la performance concrète et la réactivité, dans un secteur où chaque trimestre peut tout bouleverser. Son parcours, étalé sur trois continents, lui donne une lecture aiguisée des défis qui attendent le groupe : maintenir un équilibre subtil entre l’héritage industriel et la nécessité d’innover sans relâche.
Un nouveau défi à la tête de Stellantis : attentes et enjeux majeurs
La mission n’a rien d’un long fleuve tranquille. Antonio Filosa arrive au sommet alors que la transformation du secteur automobile s’accélère. Stellantis, né de la fusion de Peugeot, Fiat Chrysler et Opel, s’impose comme l’un des poids lourds mondiaux, un ensemble de près de quinze marques qui jonglent avec des logiques européennes, américaines et désormais mondiales.
La barre est haute : poursuivre la mutation de l’organisation sans perdre le fil de la rentabilité, alors que les derniers exercices ont permis au groupe d’afficher des bénéfices impressionnants. Il s’agit de trouver un point d’équilibre entre le passé Fiat Chrysler et la dynamique impulsée par PSA. Les actionnaires, eux, attendent des avancées rapides sur l’électrification, une résistance solide face aux constructeurs asiatiques et une gestion habile des relations internes.
Voici les chantiers qui vont rythmer le début de mandat de Filosa :
- Transformation des usines historiques
- Gestion des tensions sociales sur fond de réorganisation
- Investissements massifs dans le véhicule électrique et connecté
- Adaptation aux marchés émergents et consolidation sur les segments porteurs
Pas de place à l’hésitation : la feuille de route impose des décisions rapides et tranchées. L’essor du véhicule électrique réclame une refonte en profondeur, autant sur les lignes de production que dans l’approche commerciale. Il faudra aussi préserver la diversité des marques, du haut de gamme à l’entrée de gamme, sans tomber dans l’uniformité. Filosa devra faire en sorte que l’histoire du groupe ne se dilue pas dans la course à la modernité, tout en répondant à la nécessité de changement qui traverse toute l’industrie.
Carlos Tavares, l’architecte de la réussite de Stellantis et son héritage
Impossible d’évoquer Stellantis sans s’arrêter sur le legs de Carlos Tavares. Ce dirigeant portugais a pris les rênes de PSA Peugeot Citroën alors que le groupe vacillait. Il a imposé sa méthode : réduction des coûts, autonomie laissée aux équipes, et une obsession pour la rentabilité qui n’a laissé aucune place à la complaisance. Lorsque la reprise d’Opel et Vauxhall en 2017 a été décidée, beaucoup ont douté, mais Tavares a réussi le redressement, intégrant sans heurts ces marques historiques et générant des synergies rapides.
La création de Stellantis a été son second coup de maître. Il a su orchestrer la fusion de cultures industrielles et syndicales que tout semblait opposer. Sous sa conduite, l’efficacité est devenue une discipline quotidienne : chaque ressource, chaque process a été passé au crible pour éviter la dispersion. Son approche, souvent qualifiée de rugueuse, n’a pas toujours séduit, mais les résultats sont là. Là où nombre de rivaux ont vacillé, Stellantis a dégagé des marges enviées.
Trois axes majeurs résument son action :
- Une gestion rigoureuse des ressources
- L’intégration de marques historiques sans perte d’identité
- Un engagement fort sur l’électrification et la transformation digitale
L’empreinte de Carlos Tavares dépasse la seule performance financière. Il a anticipé les bouleversements du secteur, défendu l’ancrage industriel européen et imposé un rythme soutenu à l’ensemble des équipes. Son héritage, c’est celui d’un bâtisseur qui n’a jamais transigé avec l’exigence, poussant Stellantis dans le cercle fermé des groupes capables d’inventer leur avenir sans renier leurs racines.
Quels défis pour l’industrie automobile sous la direction d’Antonio Filosa ?
Impossible de vivre sur les lauriers du passé. Antonio Filosa prend les commandes de Stellantis à un moment critique, dans un secteur qui ne cesse de se réinventer. Les marchés historiques, notamment en Amérique du Nord, montrent des signes d’essoufflement. L’obligation de transition énergétique s’impose à tous, séparant les groupes capables d’avancer vite de ceux qui peinent à se transformer.
Dans ce contexte, la mission de Filosa consiste à piloter la transformation d’un ensemble où chaque marque, Fiat, Peugeot, Chrysler, porte sa propre histoire, son territoire, ses attentes. Sur les chaînes d’assemblage, la tension est palpable : chaque décision compte et la question de la localisation des emplois reste sensible pour les salariés et les syndicats.
Les principaux défis qui attendent la nouvelle direction sont clairs :
- Réduire la dépendance aux énergies fossiles
- Investir dans l’électrification tout en préservant les spécificités de chaque marque
- Composer avec les exigences parfois opposées des actionnaires historiques, de la famille Peugeot à Exor
Le secteur automobile mondial n’accorde aucun répit. Les constructeurs chinois bousculent les repères, imposent de nouveaux standards tarifaires et redistribuent les cartes de la chaîne de valeur. Les choix de Filosa pèseront sur la capacité de Stellantis à tenir son rang, entre héritage européen et ambitions américaines. Le défi est posé, et la partie ne fait que commencer.



